ASIWO KPE : Quand l’art tisse les valeurs du vivre-ensemble

J’ai eu le plaisir d’être la curatrice de l’exposition ASIWO KPE du projet Todzivu, suite à un travail de longue haleine. Voici un article de Cokou Romain AHLINVI, paru  sur Facebook le 8 août 2025 qui résume bien notre démarche artistique.

Du 2 au 28 août 2025, le Musée Agnassan Paul Ahyi accueille la deuxième édition de l’exposition Todzivu, intitulée Asiwo kpe, qui signifie en langue éwé « les mains se sont rassemblées ». Ce titre prend tout son sens à travers la réunion de neuf artistes – Akoko Amedon, Hiba Samah, Rouquaiya Yerima, Adokoé Adotevi-Akué, Agbégnigan Alihonou, Ayélé Annick Nyamlé, Henri Kokou Segbaya, Assion Teko et Ray Agbo, sous la direction curatoriale de Adolé Christelle Akué.

Le choix du thème en éwé n’est pas anodin. Asiwo kpe traduit une philosophie profondément ancrée dans la culture ouest-africaine : la force du collectif et de la coopération. Dans ce contexte, l’exposition devient un symbole d’union, un espace où plusieurs mains, celles des artistes, travaillent de concert pour faire naître un récit visuel partagé.

Ici, chaque artiste apporte sa sensibilité, sa technique et son univers visuel, tout en dialoguant avec les autres. L’exposition se présente comme un tissage artistique où chaque fil est unique, mais où la trame ne prend sens que par l’assemblage.

La diversité des styles et des médiums

L’une des grandes réussites de Todzivu 2 réside dans la pluralité des expressions artistiques.

Les œuvres présentées témoignent de la pluralité des approches créatives, chacune reflétant une sensibilité singulière. Akoko Amedon explore des formes organiques et des textures intenses, traduisant la vitalité du vivant, tandis que Hiba Samah insuffle à ses créations une sensibilité poétique où la fragilité devient force.  

Rouquaiya Yerima (Rouquaiya Yerima, credit photo : Lina Mensah) s’intéresse à la représentation de l’identité féminine, oscillant entre réalisme et abstraction, alors que Adokoé Adotevi-Akué puise dans les codes visuels traditionnels pour y intégrer des expérimentations contemporaines.

Agbégnigan Alihonou se démarque par une approche sculpturale, donnant aux volumes une dimension narrative, et Ayélé Annick Nyamlé fait dialoguer techniques textiles et savoir-faire artisanaux pour interroger la mémoire des matières.

Henri Kokou Segbaya inscrit son travail dans une recherche graphique où la ligne devient témoin d’histoires passées, tandis que Assion Teko adopte une sculpture méditative centrée sur les liens sociaux et les interactions humaines.

Enfin, Ray Agbo propose une vision contemporaine, ancrée dans les réalités sociales, entre espace urbain et rural. Cette diversité d’expressions invite le spectateur à voyager à travers différents univers visuels, tout en gardant un fil conducteur : celui du dialogue et de l’échange.

Ray Agbo, crédit photo : Lina Mensah

Une scénographie pensée comme un dialogue

Sous la direction d’Adolé Christelle Akué, la scénographie privilégie la fluidité. Les œuvres ne sont pas isolées, mais mises en relation, parfois par un jeu d’échos formels, parfois par des contrastes assumés.

Ce choix scénographique matérialise l’esprit d’Asiwo kpe : les “mains” des artistes ne se contentent pas de produire des œuvres côte à côte, elles construisent ensemble un récit visuel, une polyphonie où chaque voix trouve sa place.

crédit photo : Lina Mensah

Une portée sociale et culturelle

‘’Asiwo kpe’’ est plus qu’une simple rencontre d’artistes. C’est aussi une réflexion sur la solidarité, la mémoire collective et le rôle de l’art dans la construction d’un lien social fort. Dans un contexte où l’individualisme tend à s’imposer, l’exposition rappelle que la création peut être un acte communautaire, au service d’une vision partagée.

Au-delà de sa dimension esthétique, Todzivu 2 porte un message social fort. Elle rappelle l’importance de la solidarité, de l’entraide et de la transmission des savoirs. L’exposition revendique le collectif comme une force de création et de résilience. Elle invite le public à considérer l’art non seulement comme un acte personnel, mais aussi comme un geste communautaire qui participe à la construction d’une mémoire commune.

crédit photo : Lina Mensah

C’est cette capacité à tisser des liens entre artistes, entre œuvres, entre générations, qui fait la force de Todzivu 2. Plus qu’une simple vitrine artistique, elle se présente comme une métaphore de la société idéale : celle où les mains se rassemblent pour bâtir ensemble. ‘’Asiwo kpe’’ est une exposition qui parle d’unité et de transmission comme valeurs indéniables pour une société durable

Cokou Romain AHLINVI rédacteur en chef de Cultur’Action MAG

crédit photo : Lina Mensah