Afriques au Carré : Rencontres avec Doff, Dalila Dalléas Bouzar et Bruce Clarke

Doff

Artiste autodidacte originaire du Tchad, Doff utilise de nombreux matériaux tels que le cuivre, le fil métallique et des douilles de balles.

L’artiste présente trois oeuvres pour l’événement « Afriques au Carré » dont  une œuvre intimiste : « L’initiation » (2020) qui retranscrit les explications sur cette pratique de la sortie de l’initiation de l’adolescence au monde des adultes ainsi qu’une photo de son grand-père maternel. On note de nombreuses symboliques : coiffe en fils métalliques, parure de perles et forme du pied déstructuré.

Ses thèmes récurrents depuis 2018 sont  l’immigration et l’enfance :
Son œuvre « Immigration » (2020) est inspirée d’une rencontre à Marseille avec un jeune migrant dont l’espoir depuis l’enfance était d’obtenir une vie meilleure en Europe. Il vit actuellement dans des conditions précaires.
A travers ses œuvres « Violence » (2020), « La vie » (2021), Doff explique tout d’abord que la femme est la première personne à être touchée par les méfaits de la guerre. D’autre part, une partie du Tchad subit le terrorisme et la guerre dans la région sahélienne. Doff souhaiterait que les hommes cohabitent pacifiquement et cessent de s’entretuer. Face à cette situation, l’artiste éprouve de l’amertume. Il est en questionnement perpétuel sur l’actualité geo-politique africaine.

Selon Doff, la crise sanitaire a permis de déclencher une solidarité à l’échelle mondiale afin d’affronter cette pandémie malgré les divergences. Elle a également fait ressortir notre fragilité, nous a tenus en haleine pendant des mois et a fait modifier nos activités. Il faudrait garder à l‘esprit que nous sommes tous des humains et arrêter tous délimitations entre Africains et entre pays du Nord et du Sud.
A travers son œuvre, « Le plaidoyer pour l’espoir » (2020), dont les sous-titres sont « le passé, le présent, le futur », Doff souhaiterait une synergie qui éradiquerait toutes maladies (paludisme) sans distinctions de religions, de territoires et continents.

Retrouvez  la première  exposition de Doff « Habiter la Terre »,  jusqu’au 20 Novembre  à la Galerie Art-Z.  Il participera ensuite à un festival puis une résidence au Burkina Faso début 2022

De nombreux artistes, créateurs et partenaires participent au parcours artistique «  Afriques au Carré » organisé par la galerie Art-Z et l’école IESA jusqu’à ce dimanche 14 novembre, 18 rue Pérrée, 75003 Paris.

 

Dalila Dalléas Bouzar

Diplômée des Beaux-Arts de Paris, l’artiste Dalila Dalléas Bouzar, invitée par l’Institut des Afriques et MC2a, présente une nouvelle peinture à l’huile faisant partie de sa série « My Life is a miracle » (2021).

Il s’agit d’un autoportrait grand format sur lequel la symbolique de la couverture prend toute sa place. C’est un objet que l’artiste affectionne car il couvre, protège le corps et le réconforte :  « Nous prenons une couverture avec nous lorsque nous devons fuir et marcher. C’est le cas des réfugiés politiques qui l’utilisent au bord de la route.»

La couverture représente également la dignité (couvrir un corps nu).  Liée aux déplacements, elle est utilisée dans de nombreux pays tels que Madagascar, la Bolivie, la Tanzanie. Un objet très important qui symbolise l’hospitalité dans toutes les familles en Algérie, pays dont elle est originaire.

Spécialisée dans l’art figuratif et les portraits en format A3, l’artiste explique que l’oeuvre de 215cm*170cm lui permet de sortir de sa zone de confort car le grand format n’est pas adapté à sa gestuelle lorsqu’elle peint.  Dalila Dalléas Bouzar s’est également attardée sur les détails du drapé (peinture à l’huile) et a dessiné un autre personnage (dessin brut) représentant des entités invisibles qui nous accompagnent.

Au fil de notre discussion, l’artiste m’a confiée que la crise sanitaire et le ralentissement imposé des événements artistiques lui ont permis de remettre en question son positionnement dans le marché de l’art. Une pause salutaire où la pression est descendue pour faire place à ce besoin de « décantation » trop négligé lors du rythme effréné des expositions.                           

Si elle comprend les réactions humaines, Dalila Dalléas Bouzar a tout de même été déçue par la passivité et la soumission des artistes lorsque les lieux culturels ont été fermés. En effet, elle précise que les artistes sont « porteurs d’une autre parole ».

En mars dernier, Dalila Dalléas Bouzar a souhaité sortir de l’espace protégé de l’art contemporain pour performer au pied de l’obélisque, Place la concorde et, devant l’Assemblée Nationale (symbolique du temple). Deux espaces publics et lieux symboliques parisiens évoquant le pouvoir ainsi qu’une démocratie sacrée mais souvent bafouée.

En attendant de voir les performances de Dalila Dalléas Bouzar sur d’autres espaces publics, vous pourrez retrouver ses oeuvres jusqu’au 27 novembre 2021 à la galerie  Cécile Fakhoury, 29 avenue Matignon, Paris 8, à  l’occasion du group show « Un pied sur terre » avec Ouattara Watts, Jems Koko Bi, Aboudia, Sadikou Oukpedjo, Marie-Claire Messouma Manlanbien, Elladj Lincy Deloumeaux  et Vincent Michéa.

Bruce Clarke

Plasticien et photographe, Bruce Clarke a étudié aux Beaux-Arts à l’Université de Leeds.
Né à Londres, de parents sud-africains, il expose depuis 1991  dans de nombreux pays en galerie, dans des festivals, des institutions culturelles et au sein de l’espace public.

J’ai découvert son travail en 2004-2005 au Musée des Arts Derniers, ancienne galerie d’Olivier Sultan.
Ses œuvres exposées pour Afriques au Carré font partie de plusieurs séries (une trentaine réalisée) que je vous invite à parcourir sur son site. 

Je me suis attardée devant le portrait d’Angela Davis : « The fire next time » (2017,
acrylique et collage sur toile, série « Essence of icons »). Bruce Clarke m’a expliqué qu’il a voulu mettre en avant certaines figures historiques condamnées, mises en prison ou assassinées. Leur point commun : leur statut d’icône politique et historique.

Le titre de l’œuvre est inspiré du livre de James Baldwin « The Fire Next time » (« Le feu la prochaine fois ») paru en 1963. Ce sont deux lettres décrivant intensément la situation des Noirs américains face aux droits civiques ainsi que l’impact des religions.

Bruce Clarke souhaite proposer un regard subjectif des faits historiques. L’événement qui déclencha la création de cette série est le discours très protocolaire d’un ministre français entendu lors d’un déjeuner au Quai d’Orsay,  précedant celui de Nelson Mandela; personnalité invitée.

Artiste engagé, il évoque son projet artistique « Les Fantômes de la mer » (2016) qui sensibilise sur l’existence des migrants. ll rappelle que les discours politiques ainsi que les propos de nombreux citoyens se calent depuis quelques années sur celui de l’extrême droite. Des  discours de rejet et nuisible.

Bruce Clarke exposera en 2022 à Esch-sur-Alzette, deuxième ville du Luxembourg pour l’événement Esch2022, Capitale européenne de la culture en partenariat avec une ville située  en Lituanie appelée Kaunas et Novi Sad (Serbie).
Il prépare également un projet sur le thème des migrations et résistances.